Mendi Ederrak

Une marmotte à la Skyrhune

7 Octobre 2014, 20:12pm

Publié par Thomas

Jeune perdreau de l'année, j'ai découvert le plaisir de la course à pied depuis janvier dernier pour ma préparation à l'Euskal Trail (2 x 25 km, 2 x 1200m D+) fin mai de la même année. Ce dernier, effectué en binôme avec Antoine, s'était très bien déroulé avec une bonne gestion de l'effort. J'étais donc très satisfait de ma préparation en suivant un programme pour le semi en 1h30 (sans déniv.). Au cours de cet évènement, l'Euskal Trail sous sa forme ultra (120km - 10000m D+) avait été gagné par Nicolas Darmaillacq qui en avait profité pour faire la promo de SA course : la SKYRHUNE 1ère édition courant septembre. Intéressé par le format assez court 21km de cette course mais aussi par un dénivelé assez important 1700m D+, je décidais cet été de reconnaître le parcours entre Ascain et La Rhune pour décider ou non de mon inscription. Cette reconnaissance, bouclée en à peu près 5h45 (en raccourcissant le circuit de 4km) et réalisée par un jour de grand beau temps, m'a convaincu de m'inscrire à la course malgré sa difficulté (relative en mode rando). Ayant contacté Nicolas pour des infos sur la trace, ce dernier me demande mon retour sur cette reco et publie même quelques extraits de mon ressenti sur le FB officiel de la course (cool^^) ! De retour peu après chez moi, je tente de m'inscrire... malheureusement tous les dossards étaient déjà distribués... Je contacte Nicolas : pas d'exceptions, c'était la règle : énorme déception... La SkyRhune ne sera pas pour moi cette année...

Finalement, le 23 août (un mois avant la course), les organisateurs proposent d'offrir deux dossards supplémentaires via Trail Endurance Mag aux deux personnes qui récupèrent le plus de "Likes" sur l'affiche de SkyRhune via FB. Etant mon ultime chance de participer à cette très belle course, je mets en branle l'ensemble de mes contacts FB toute la journée et récupère finalement le plus grand nombre de "Likes". A la fin de la journée, Nico Darmaillacq me contacte pour me confirmer que c'est gagné : je suis super heureux ! SkyRhune me voilà...

Mon objectif au départ pour la course : passer la barrière horaire (3h10 à 13.5km) et finir dans un bon temps. Je vise une course entre 3h30 et 4h00 puisque je connais le parcours et je sais où je peux gagner du temps. Du coup, la barrière horaire me semble facilement atteignable (je pense y être en 2h30).

Conscient qu'il faut continuer ma préparation, je démarre un programme d'entraînement pour le trail avec des séances de l'ordre de 1h30 et fais quelques sorties week-end à Collioure (30km - 1700m D+) courant Août. Bien dans ma tête et dans mes jambes, la rentrée scolaire diminue malgré tout beaucoup la fréquence de mes entraînements... Beaucoup trop... Inquiet de cette conséquence, je me dis tout de même que le fait de connaître la course rajouté à ces séances d'netraînement (mêmes lointaines de la course) me serviront... Mon objectif reste identique même si je sais que ça va être très dur !

Le jour J, je démarre de Toulouse le matin et fais 3h de route jusqu'à Biarritz où mes grands parents m'attendent pour déjeuner : depuis la veille, je ne mange quasiment que des pâtes ! La course démarrant à 15h, je pars de Biarritz vers 13h et arrive tranquillement à Ascain. L'organisation est au poil (parking, remise des dossards, dotation...). Tout le monde sourit, les gens sont contents d'être là... On sent la bonne ambiance, la fête... Plus l'heure avance, plus mon estomac se serre... Je me prépare à la voiture. J'hésite mais finalement je décide de prendre des bâtons (empruntés à Pierre pour l'occasion) malgré mon inexpérience avec ce matériel. Je ne sais pas s'ils m'aideront plus qu'ils ne me pèseront... A ce moment, je ne pense qu'à une seule chose : la chaleur. Il est prévu 25°C, du soleil et pas beaucoup d'ombre sur le parcours... Pourtant, arrivé sur la ligne de départ, une chose me choque : beaucoup de coureurs partent très très légers alors que les organisateurs n'ont prévu que des ravitaillements liquides au 9ème et 14ème kilomètres...

Compte tenu que je suis plutôt diesel, je décide de m'échauffer un peu avant le départ. Après 5min d'échauffement, j'ai de mauvaises sensations : en effet, je ressens une douleur abdominale qui me gène pas mal surtout quand je me relâche pour la descente. Je stoppe l'échauffement 5min puis reprend : elle est un peu moins forte mais toujours là. Pas de chichi, on verra ce que ça donnera...

Le début de la course approche... Finalement, 500 coureurs, ça fait pas une grande foule (comparé à l'Euskal Trail). La tension monte... Nico, hyper abordable durant toute cette journée, commence de chauffer les coureurs... Les ténors sont là devant : on entend presque leur moteur tourner ^^ ! J'aime bien me placer à l'arrière pour ne pas me faire doubler... 3, 2, 1... C'est parti !

Evidemment, ça part à 3000 devant : au bout de 100m on voit déjà les premiers super loin ! De mon côté, je me lance gentiment craignant que la douleur ne revienne. Les premières foulées sont agréables : la gêne ne revient pas... Je décide d'accélérer ma foulée. Je sais que les premiers 500m sont assez plats puis que ça monte un peu plus sur la route avant de commencer les sentiers. Mon accélération se fait sentir : je double pas mal de monde pour me retrouver à mi-peloton. Puis la route s'incline... j'ai l'impression que ça commence à devenir dur pour certains qui commencent de marcher. Toujours bien, je continue de courir alors que ça continue de grimper : ce fut là ma plus grosse erreur ! Une erreur de débutant puisque c'est la première fois que je pars en trail seul : je pars beaucoup trop vite ! Arrivé à 1.5km mon cardio tape déjà à 195 batt/min (sur 200 max) en marchant ! Je m'essouffle mais au lieu de ralentir, je veux persister... Les gens, plus frais derrière moi ou tout simplement meilleurs commencent de me dépasser... Je veux tenir, tenir, tenir jusqu'à un petit faux plat que j'avais repéré à la reco en espérant pouvoir trottiner pour récupérer. Malheureusement, j'explose : je ralentis donc déjà épuisé après simplement 3km de course. Impossible de courir sur le plat, je me fais copieusement doubler... Je m'en veux terriblement... Surtout que je sais que cette première difficulté n'est rien en comparaison de ce qui m'attend après... Je n'arrive plus à respirer et je me dis qu'il faut au moins profiter du paysage : je lève un peu la tête. Tout comme à la reconnaissance, la vue est superbe déjà à 400m d'altitude : au moins pour ça, je suis content d'être là !

Baie de Saint Jean de Luz

Baie de Saint Jean de Luz

Il y a du monde sur le parcours, beaucoup de gens nous soutiennent, nous poussent... Ca fait déjà bien 10min qu'on entend le monde au Miramar (542m au 4km) avec des cloches encourager les premiers qui passent. Ces spectateurs donnent un peu de baume au cœur et malgré mon malaise, j'essaie de suivre un peu le rythme. La montée vers le Miramar reprend, c'est terriblement dur avec mon état de fatigue mais je pense déjà à la descente où j'espère pouvoir me refaire un peu la cerise. Un peu avant le sommet, la pente devient un peu moins raide. On voit les pottocks qui broutent tranquillement. Enormément de gens hurlent et sonnent des cloches pour nous soutenir : ça fait du bien ! La vue est très belle encore une fois !

Pano au Miramar

Pano au Miramar

Une fois au sommet, je ne me leurre pas sur ma position : je suis dans le dernier quart des coureurs mais je me dis que ça y est, je vais pouvoir refaire mon retard. Je récupère en trottinant 30sec avec de petites foulées puis me lance à grandes enjambées dans la pente, évitant les pièges de cailloux, les ornières... ça va beaucoup mieux ! Je double plusieurs personnes dès le début. Les gens font attention parce que de façon surprenante, la terre est très poussiéreuse (étonnant pour le pays basque, normalement arrosé régulièrement). Conséquence, les cailloux plats glissent énormément ! Ma tête va mieux, mes poumons aussi, la descente est très technique mais j'ai l'impression que ça y est, ma vraie course démarre ! Je fais environ 1.5km très bien par rapport aux autres concurrents et malheureusement en me relâchant, la douleur abdominale revient... Au début, c'est une simple gène et puis plus j'avance, plus ça fait mal... au point que, là où je pensais récupérer tout mon retard, je dois ralentir et même marcher en descente. Je me dis à ce moment que je suis vraiment maudit... Tout le monde passe en courant à côté de moi : c'est énorme le temps que je perds. En plus de mon premier coup d'arrêt dans l'ascension du Miramar, je commence de penser à la barrière horaire que je pensais passer largement initialement... On entre dans les bois, on traverse quelques ruisseaux, je trottine, je marche, je trottine, je marche, la douleur ne voulant pas s'estomper je ne peux jamais m'y remettre pour de bon... Au bout d'un moment, j'ai même l'impression d'être le dernier de la course car je suis complètement seul... Dégoûté, je pense même abandonner au premier ravitaillement... Après ces 3km de calvaire, j'arrive au ravito du 9km (100m d'altitude) et là, c'est magique ! Musique à fond, bénévoles (uniquement féminines ?) avec des perruques et des lunettes de soleil au fond des bois, ça chante, ça danse, on me tend tout de suite un verre (d'eau :D), on me sourit, on me dit que c'est bien... L'ambiance est géniale ! Je me repose, je souffle, je bois beaucoup, je remplis mon camel, la douleur disparaît. Finalement, beaucoup de gens arrivent derrière moi et déjà beaucoup abandonnent. Ces 6 minutes de ravito m'ont fait du bien au corps et à la tête : je ne veux pas abandonner ! J'irai jusqu'au bout ! Je regarde ma montre, 9km en 1h30 pour 540m de D+ (oui je sais c'est nul...) mais il reste 4.5km avant la barrière horaire et 1h30 de temps. Toutefois, je sais que j'ai environ 4km de pente à plus de 25%...

La fine équipe au km 9

La fine équipe au km 9

Je redémarre tout de même revigoré. Je ne connais pas cette partie du parcours puisque je l'avais zappée lors de la reco. Ca remonte direct et assez costaud mais il y a du monde autour de moi pour qui c'est très dur alors que finalement, je me sens de nouveau bien... D'ailleurs, j'entends un monsieur dire que c'est mort pour la barrière horaire, qu'il reviendra l'année prochaine... Je suis étonné : ça me semble juste au vue de mon état du jour mais réalisable... En fait, je m'aperçois que je me cale dans mon rythme et que je monte plus vite qu'eux : je respire bien, les jambes travaillent durs mais ne me font pas mal. J'arrive au sommet de Ciburu Mendi (411m) et là s'étale devant moi, la "crête infernale" jusqu'à la Rhune (900m). Je vois tous les concurrents qui montent doucement la crête, il y a du monde tout le long de la montée en face de moi jusqu'au sommet de la Rhune : c'est magnifique ! De mon côté, avant de l'aborder, je dois d'abord redescendre à son pied. C'est parti pour 200m de D- ! Je démarre tranquillement en suivant les gens surtout pour ne pas réveiller ma douleur... Ca va, je m'en sors bien, j'accélère un peu, je double dans la descente et je trottine jusqu'au pied de la crête au contrôle dossard. Là une fille demande si on est dans la barrière horaire, le bénévole lui répond qu'à la vue de notre temps jusque là ça va être juste : il ne faut pas traîner ! Je regarde ma montre : il me reste 55min pour faire environ 2km. Ca me semble toujours réalisable bien que la pente à venir soit très raide. Là, je me cale derrière un mec avec un rythme bien constant qui me va bien et c'est parti ! C'est clairement la partie la plus difficile de l'épreuve surtout lorsqu'on s'est cramé comme je l'ai fait au cours de la première partie. Ca monte très dur (environ 25%) sur un peu plus de 2km vers la Rhune... Après n'avoir rien regardé d'autre que le sol tout en m'appuyant sur mes bâtons pendant le premier kilomètre, mes jambes et mes poumons me brûlent au point que je dois stopper un moment. Je sais que chaque minute compte mais la vue est magnifique aussi bien devant que derrière moi...

Vue océanique depuis la "crête infernale" derrière moi

Vue océanique depuis la "crête infernale" derrière moi

Et devant... Cap sur la Rhune!

Et devant... Cap sur la Rhune!

Je regarde la montre : le temps file à une allure incroyable, je commence de me dire que si je ne passe pas la barrière horaire, j'abandonne... A ce moment, j'ai la chance de voir la patrouille de France passer face à l'océan. Je redémarre mais malheureusement, dès que j'essaie de forcer un peu, je sens que les premières crampes ne sont pas loin... Je bois donc beaucoup et fais petit pas après petit pas... Je monte toujours avec le même groupe, tout le monde s'arrête régulièrement, tout le monde est mort... Il fait tellement chaud, c'est étouffant... Il arrive un moment où la pente est telle que je ne vois plus la Rhune devant moi et donc je ne repère plus le lieu de la barrière horaire. La première arête passée, une nouvelle se profile, puis de nouveau une nouvelle... Il me reste 15min... Que cette ascension est dure... et puis, cette nouvelle arête passée, je me rends compte surpris que le sol descend : la barrière horaire est là, à quelques centaines de mètres devant moi... Je suis super heureux ! Je la franchis en 3h.

Là, beaucoup de monde jette l'éponge, même certains qui sont arrivés là avant moi... Les gens sont exténués... J'apprends ici que le premier a fini l'ensemble du parcours en 2h01 et je me dis que c'est un extraterrestre ! Une fois cet objectif atteint, mon moral monte en flèche : je bois, je me repose un peu... Toutefois, il me reste les 300 derniers mètres jusqu'à la Rhune par sa face Est-Nord-Est tout droit dans la pente et dans le pierrier et surtout 7km encore pour redescendre jusqu'à Ascain. Je redémarre avec une envie monumentale ! Cette ascension finale, je la réalise tranquillement à mon rythme mais je double du monde complètement cramé. Les crampes me guettent mais la vue est magnifique, il y a les pottocks, les brebis, les vaches et les supporters qui gueulent encore et toujours pour nous soutenir... Il est presque 18h30, le soleil se couche gentiment jetant une lumière fantastique aux alentours et rafraichissant l'air, j'atteins enfin le sommet de la Rhune (900m) après 14km. Des mecs sont encore là pour nous encourager, nous, les derniers à avoir franchi la barrière horaire ! Je me pose 5min au ravito pour reprendre des forces... Malheureusement, ils ne peuvent me remplir le camel et me disent qu'il y a un ravito plus bas. Je m'en fous, je suis en haut et je profite de la vue, du soleil couchant et du sourire des bénévoles !

Ca y est, le plus dur est derrière moi, je réattaque la descente pied au plancher. C'est super technique mais oubliées les douleurs aux jambes et exit la douleur abdominale, je trottine comme un pottock. Là, je gagne pas mal de temps, tout le monde est éreinté... Pas de chance, le ravito indiqué n'est pas là, je ne peux pas recharger mon camel alors que je sens qu'il est presque vide ! 17.5km, la dernière "petite" difficulté avec 100m de D+. Je suis immobilisé quelques secondes par une crampe à la cuisse. Je bois, je masse, je redémarre. Arrivé en haut, je relance dans la descente, je suis bien jusqu'à une nouvelle crampe. Ca me fais ch*** car je suis bien dans ma tête et mes poumons. Je bois, ça passe, je redémarre. Je décide alors de boire petit à petit tout le long de la descente pour éviter d'être stoppé mais vite l'eau me manque. Je prie pour que les crampes ne reviennent pas jusqu'à la fin. On rejoint la route et là je suis dans mon élément, je passe la surmultiplié malgré que la pente est forte et que les cuisses tapent forts ! Je gagne au moins 15 à 20 places rien que sur les derniers km. Certains épuisés me demandent comment je fais, je leur réponds que je suis plus à l'aise sur le bitume sans dénivelé et les encourage. La montre m'affiche un finish en 5'30 au km sur les derniers 2km et je passe le chapiteau d'arrivée accompagné d'un bénévole qui court à côté de moi en m'encourageant. Résultat : 4h35 !

Très déçu de mon résultat dans un premier temps, je me satisfais depuis de n'avoir rien lâché jusqu'au bout, d'avoir passé cette barrière horaire et d'avoir finit le parcours malgré une course très loin d'être aboutie. A l'arrivée, je finis 338ème sur 500 partants. Beaucoup de participants ont abandonnés ou n'ont pas franchi la barrière horaire imposée : je suis donc très chanceux ! La prochaine fois, je reviendrais beaucoup mieux préparé car je pense que c'est ce qui m'a le plus manqué.

La soirée sur Ascain s'est très bien déroulée : la remise des prix était super, les bénévoles ont été géniaux et la soirée très sympa. Je pense que cette première édition de la SkyRhune est une magnifique réussite et qu'elle deviendra une course incontournable si tous ces ingrédients sont conservés ! Un gros coup de chapeau donc à l'ensemble des gens qui ont participé à la préparation de cette course : restez comme vous êtes, c'était parfait ! Merci à vous !

Un profil exceptionnel... Une des futures grandes courses en Iparralde!

Un profil exceptionnel... Une des futures grandes courses en Iparralde!

Commenter cet article