Mendi Ederrak

Domaine Kreydenweiss, amours de terroirs

27 Mars 2013, 19:31pm

Publié par Rémi et Peio

Les sorties à vélo, les randonnées ou les sorties trail m’ont permis de découvrir l’Alsace, et ses villages typiques de la route des vins. Andlau est un de ceux qui m’a le plus charmé. Le village a pris le nom de la rivière qui prend sa source non loin du Champ du Feu, et qui lui donne vie au fil des saisons. Ce petit village est ancré dans une cuvette entourée par des terroirs exceptionnels que se partagent une petite dizaine de viticulteurs. Antoine Kreydenweiss fait partie de ces chanceux. Et il s’applique à magnifier les terroirs d’exceptions qui entourent son domaine. Le vignoble d’Andlau est une pépite géologique puisque dans un périmètre restreint, on trouve des terroirs de schiste de Steige (Kastelberg Grand Cru), de schiste gris de Villé (Clos Rebberg et Val d’Eléon), de sable de grès Rose (Wiebelsberg Grand Cru),  des terroirs argilo-limoneux (Lerchenberg) ou encore ferrugineux et caillouteux (Kritt). Avec mon ami Montois Rémi au palais aiguisé, nous avons eu l’honneur de déguster l’ensemble de la gamme avec la passionnée Michèle qui nous a menés de terroirs en terroirs. Michèle, passionnée de randonnée et de ski de fond, s’est avérée être une excellente guide.

 

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Après une inspirante et sensationnelle dégustation avec Michèle, malgré la pluie, nous sommes allés nous promener pour admirer la beauté d’Andlau et de ses terroirs. Nous sommes montés au Kastelberg au milieu des terrasses de riesling. Nous avons pu constater la nature schisteuse du terrain. Là-haut, au Kiosque, nous surplombions le village et ses maisons alsaciennes hautes en couleurs. Nous avons passé de longues minutes à lorgner chaque terroir du vignoble.  Le soleil a sorti le bout de son nez, et un superbe arc en ciel a recouvert le Kastelberg.

 

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Le domaine familial existe depuis trois siècles. Antoine aujourd’hui, Marc hier et leurs aïeux bien avant eux. Tous dans la même lignée de faire de leur breuvage des vins de terroirs qui subliment leurs parcelles respectives. Dans cette démarche, Antoine qui vinifie seul depuis 2006 a hérité d’un bijou bien poli puisque son père (ce qui est rare à l’époque), toujours dans une démarche qualitative s’engage vers le mode de production de la bio-dynamie en 1989. Ce qui permet aux différents terroirs de mieux s’exprimer et aujourd’hui à Antoine de travailler sur des vignes saines depuis X années.

Bien sûr, père et fils, sont des passionnés et ne cessent de réfléchir pour toujours s’améliorer. Cette famille humble et discrète nous (et vous je l’espère) accueille toujours les bras ouverts et le sourire aux lèvres malgré le dur travail de tous les jours. Ils sont également très curieux de monde qui les entoure et de la culture ce qui chaque année donne naissance à des nouvelles étiquettes artistiques où ils font appel à un peintre différent. Belle preuve de modernité pour une famille qui loge, qui habite et qui fait vivre les mêmes lieux et la même demeure depuis 300 ans… Qui ne devient-pas poète en vivant à Andlau ?

 Je laisse le soin à Rémi de vous présenter ce qu’il a pu ressentir lors de la dégustation. Kreydenweiss étant un de ces véritables coups de cœur en Alsace.

 

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Nous avons commencé notre balade gustative sur un terroir de Grès Rose, avec le Riesling Andlau. Cuvée classique du domaine qui révèle déjà le coup de patte magistral de ce domaine discret et perfectionniste. Ce riesling avec une certaine tension nous fait ressentir une belle fraîcheur avec des arômes de fleurs assez prononcées tel que l’acacia, nous ressentons beaucoup de minéralité (pierre à fusil) qui est le résultat d’un terroir particulièrement riche et du travail en bio-dynamie. Un vin de copains à déguster en toute simplicité pour éprouver un plaisir certain. Du croquant et de la richesse sur 2011, de la tension sur le très pur 2010. La dégustation en brut de fût du millésime 2012, sur le fruit avec des notes de pêche blanche est prometteuse.

 

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Nous continuons la découverte des cuvées de ce beau domaine en descendant vers le grand cru Moenchberg où le pinot gris est maître, sur un terroir de dépôts glaciaires. Moenchberg,  littéralement la montagne des moines, donne des vins sur la générosité et la complexité tout en gardant la fraîcheur des sols riches. Ce pinot gris d’une grande expression mérite certainement quelques années de garde pour profiter pleinement de ses arômes miellés, floraux et complexes tout en conservant une fraîcheur qui permet de garder un côté très digeste dans ce vin de grande classe.

Nous poursuivons notre balade autour de cette cuve qui caractérise le village pour atterrir sur la parcelle de Kritt qui nous offre un gewurztraminer et un pinot blanc très pur. Changement de terroir : Ferrugineux et caillouteux.  Le gewurztraminer  est aromatique de nature, dérivant parfois sur un excès de sucre et des arômes trop prononcés de litchi. Chez Kreydenweiss, il est d’une finesse incroyable aux arômes floraux sur la rose, des notes de fruits exotiques et de cire viennent complexifier ce vin. La fraîcheur reste au premier plan malgré un moelleux présent. Un gewurz d’une pureté incroyable. Sur 2010, nous trouvons un vin frais où l’élégance de la rose domine, les fruits exotiques et les épices viennent complexifier ce vin à la fraîcheur remarquable pour un gewurz. 2011 : Toujours sur la fraîcheur mais le sucre est un peu plus présent.

 

Remontons quelque peu dans le village pour croiser la parcelle du Lerchenberg, sur la même altitude que son confrère le Moenchberg, le monarque reste le pinot gris, sur un territoire limono-argileux. Ce pinot gris grand cru est d’une précision tranchante, d’une grande justesse puis ciselé. La minéralité du sol ressort, un fruité gourmand et croquant avec une fraîcheur incroyable et une belle tension. C’est un des coups de cœur de cette dégustation. Cette parcelle nous permet de nous envoler tel un vol d’alouettes avec des arômes de pêches et d’abricot très présents qui sont renforcés par la pierre à fusil et la mine de crayon, de plus les épices viennent vous becqueter le palais pour terminer ce vol inoubliable.            

 

Progressons dans la cuvette pour arriver sur le seul vin d’assemblage du domaine, le clos du Val d’Eléon, harmonie des deux cépages de la tradition des « gentils », pinot gris et riesling, sur un beau terroir de Schiste gris de Villé. Ce vin d’assemblage est un vin de séduction presque érotique tant l’harmonie entre les deux cépages est puissante. Il révèle de beaux arômes fruités avec une belle minéralité puis des notes fumées et de pierre à fusil. Cette cuvée sublime le terroir via cet assemblage parfaitement maîtrisé, le schiste gris de Villé apporte de la fraicheur et de la minéralité plus toute la rusticité du vin. Sur 2008, le vin est pur, ciselé, puissant. C’est une émotion à lui seul où l’amour du terroir et l’art d’assembler se font ressentir à chaque gorgée. Trois mots pour crier cet hymne à l’amour : subtilité, finesse et harmonie… quelle symphonie. J’ai eu la chance de déguster le millésime (dommage Peio) 1997 : rustique parfois austère tant la tension et la nervosité sont présentes, l’harmonie est sublime, un arôme de pierre chaude se dégage. Sur 2009 : Millésime où la chaleur se fait sentir ce qui rend le vin plus dur et plus puissant, la rusticité et le terroir sont toujours présents. La patience ne le fera que s’embellir et se complexifier.

 

Cette promenade nous mène maintenant à rester sur les clos du domaine avec le clos rebberg sur lequel est planté riesling et pinot gris pour en faire des vins de cépages et de terroirs exceptionnels toujours sur le schiste. Ce clos Rebberg  tout comme son cousin du clos du Val d’Eléon fait preuve d’une grande sensibilité et subtilité. Le vin garde la minéralité et les arômes de pierre à fusil que l’on retrouve dans tous les vins du domaine mais celui-ci est, comme peut l’être une chanson de Beethoven ; un relief, une poésie, toute la fraîcheur d’un terroir avec une longueur et une finesse qui font de ce riesling l’un des plus reconnaissable sur Andlau. Ce vin est explosif en attaque puis monte en puissance lorsqu’il traverse votre palais, vous traverse l’échine en vous procurant des frissons de plaisir : un orgasme gustatif vous effleure. Les épices et les fleurs viennent apporter une dernière note d’évasion qui nous révèle les secrets de ce grand terroir. Millésimes dégustés : 2008 : tension, minéralité et pureté sont les mots clés de ce superbe millésime, sans nul doute que les années de cave ne feront que le sublimer mais il est tellement gourmand et friand en ce moment que vous pouvez vous laissez tenter. / 2009 . La poudre à canon se fait sentir. / 2010 : Seul millésime, (parmi les trois dont je parle), dans lequel il n’y a pas eu d’ajout de sulfite à la mise. Cela permet de faire ressortir un côté plus oxydatif avec des arômes de noix mais surtout le terroir du Rebberg est encore plus présent avec la craie et la pierre à fusil qui détonnent en bouche.

 

Beaucoup de sensations sur le  Pinot Gris Clos Rebberg . Toujours à la recherche de la tension et de l’extraction du terroir, le domaine fait de ce vin parcellaire l’un des coups de cœur de notre dégustation. Les arômes fruités de noix, de coing nous flattent durant l’épilogue. Ensuite la complexité du terroir apparaît avec de la richesse, une tension hors du commun pour un pinot gris, des arômes de miel d’acacia qui restent sur la bouche pour terminer sur des notes épicés tel que le safran. Ce Pinot gris est juste, précis et ciselé.

 

Notre périple, sur les terroirs éclectiques d’Andlau, se poursuit sur un terroir de granit qui nous fait voyager dans le temps de l’enfance puisque la parcelle se nomme la Fontaine aux enfants. Ce sol granitique apporte au Pinot Blanc (qui habituellement fait des vins simples) une nouvelle dimension. Il nous permet de voyager dans le temps où tous nous aimions manger des confiseries et rigoler à tue-tête. Ce temps où nous étions encore innocents et notre regard naïf. Voilà à quoi ce vin m’a fait penser un merveilleux voyage dans le temps. Ce vin est une confiserie gourmande sans sucre…

 

La balade se poursuit sur la colline qui surplombe le domaine, ce superbe grand cru qui produit le plus grand vin de garde du domaine le Kastelberg, terroir de Schiste de Steige. Toujours ce même coup de maître d’Antoine qui trouve le juste milieu entre une belle puissance aromatique tout en gardant de la fraîcheur. Ce grand cru d’une extrême complexité est ce qui se fait de mieux à Andlau. Bien sûr quelques années en cave ne feront que révéler sa complexité aromatique, sa tension et minéralité, les arômes de pétrole à l’évolution ne seront que plus révélateurs de ce très grand vin. Un vin robuste comme un château fort.

Millésimes dégustés : 2008 : Puissant et robuste, élégant et charmeur, tant de complexité et d’opposition dans une même bouteille, un paradoxe, une histoire à elle toute seule qui ne peut être vécue et connue que par la voie de la dégustation. / 2009 : La cannelle et la pierre à fusil sont de sortie sur ce millésime riche en soleil. Les années de cave ne feront que le rendre meilleur. / 2001 : Un vin à maturité qui nous révèle tout son potentiel, il garde sa robustesse de château moyenâgeux et gagne en élégance avec l’âge, la noix et le coing font leur apparition avec la maturité… 

 

Le tour du village se termine par un dernier Grand Cru  sur lequel l’élégance du Riesling rime avec une sublime dame : le grand cru Wiebelsberg sur un Terroir: Sable de grès rose des Vosges.

Etymologiquement la montagne des dames donne naissance à un Riesling des plus féminins qui puisse exister, de plus ce terroir plein de fraîcheur renforce cette élégance présente naturellement dans cette cuvée. Sur la jeunesse cette belle n’a pour le moment développé que des arômes très flatteurs tels que la rose et quelques notes de fruits discrets comme les agrumes, une douceur enivrante de bonheur. Quand on laisse la dame arrivée à maturité elle développe bien plus de caractère même si elle peut être capricieuse, des notes épicés de muscade viennent la rendre encore plus belle… une dame bien prometteuse en tout cas.

Millésimes dégustés : 2008 : la belle est élégante, fraîche quelque peu nerveuse et tendu sur la jeunesse mais les années lui apporterons encore plus de grâce. Ne vous privez pas de son côté vivifiant et revigorant de sa jeunesse. / 2009 : Cette dame est plus puissante et plus opulente que la première, on la ressent un peu colérique mais la sagesse de l’âge devrait faire effet. Elle gagnera en s’assouplissant mais restera chaude…

 

Pour conclure ces notes de dégustation et ce grand moment, la nostalgie est de mise puisque je vais parler d’une parcelle qui n’est plus : le clos Rebgarten. Comment ne pas vous parler de ce dernier millésime (2010) de ce muscat 100% Ottonel, l’un des meilleurs à mon sens d’alsace, où l’on retrouve les arômes de fruits croquants frais. Ce muscat aux notes florales est parfaitement équilibré et accompagne parfaitement les asperges et permet d’avoir un avant-goût de l’été en bouche. Petit moment de nostalgie pour un grand moment de bonheur. Toutes les bonnes choses ont une fin…

 

 

Cette visite fut très enrichissante et inspirante. Nous sommes tombés amoureux des lieux, et la gamme des vins du domaine Kreydenweiss est un véritable miroir de ces somptueux terroirs. De nombreux viticulteurs subliment un cépage, chez Kreydenweiss, c’est les terroirs que l’on sublime. Nous n’avons pas eu la seule impression de passer des pinots gris au riesling, puis de terminer avec le gewurztraminer. Nous sommes passés d’un terroir de schistes, à un terroir calcaire, pour aller ensuite se régaler sur terroir de grès rose. La promenade fut plus qu’agréable, pleine de poésie.

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